Zone faibles émissions : comment préparer son entreprise aux restrictions de circulation ?
Pour réduire la pollution des zones urbaines, des zones à faibles émissions sont en cours de déploiement dans toutes les métropoles françaises. Les restrictions de circulation qu’elles imposent auront un impact important sur les trajets domicile-travail des salariés de ces agglomérations. À Lyon en particulier, près d’un automobiliste sur deux sera contraint de changer de mode de transport en 2026.
Les entreprises peuvent anticiper ces restrictions de mobilité et proposer dès aujourd’hui des alternatives ou un accompagnement pour leurs salariés. Dans cet article, nous nous penchons sur le cas d’une entreprise lyonnaise, et nous détaillons :
Une entreprise représentative
À partir des données statistiques de l’Insee nous construisons un entreprise de 200 salariés, représentative des entreprises de la Part-Dieu en terme de mobilité.
Ses employés sont répartis principalement dans la région de Lyon, mais également dans les départements limitrophes.
La moitié de ses salariés habitent au cœur de la métropole, dans les communes de Lyon et Villeurbanne, tandis qu’un tiers réside en dehors de la métropole lyonnaise1.
Dans cette entreprise, la voiture est le mode de transport majoritaire pour les déplacements domicile-travail avec 42 % des salariés qui l’utilisent au quotidien. Le vélo et la marche sont privilégiés par 19 % des employés.
Impact de la ZFE en 2026
Même si le détail du périmètre des restrictions de circulation est encore en cours de discussion2, on sait qu’en 2026 l’ensemble des véhicules Crit’Air 2 ou plus seront interdits de circulation dans le quartier de la Part-Dieu.
En nous basant sur les données du SDES3, nous déterminons les catégories Crit’Air des véhicules qui sont utilisés par les salariés qui se rendent au travail en voiture :
Ainsi, au 1er janvier 2026, 61 salariés de cette entreprise devront modifier leur mode de transport pour se rendre sur leur lieu de travail.
Cela représente 30,5 % de l’effectif total.
Trouver des alternatives crédibles à la voiture
Maintenant que nous avons vu l’impact de la zone à faibles émissions dans cette entreprise, nous allons chercher des solutions pour ces 61 salariés.
Comme chaque situation est unique, nous procédons à un diagnostic mobilité individualisé. Pour cela nous calculons les trajets de ces personnes dans tous les modes de transport : voiture, transport en commun, vélo, marche à pied. Nous prenons l’hypothèse d’une arrivée au travail à 8h30, période où la congestion routière est la plus élevée. À partir de ces différents trajets nous pouvons proposer des alternatives adaptées et raisonnables à chaque salarié.
Plan vélo
En analysant les temps de trajet, nous constatons que 16 automobilistes gagneraient du temps sur leur trajet quotidien s’ils utilisaient le vélo. Parmi ces 16 automobilistes, 9 sont concernés directement par les restrictions imposées par la ZFE.
Les temps de trajet de ces nouveaux cyclistes sont compris entre 6 et 19 minutes pour une distance maximale de 5 km.
En plus du gain de temps, ce passage au vélo réduit les émissions carbones de l’entreprise de 6,3 tonnes équivalent CO2, ainsi que les frais kilométriques voiture de 17 000 €4 au total par an. En moyenne, cela fait économiser annuellement plus de 1 000 € à chaque nouveau cycliste.
Laurence est une des salariés concernés par le plan vélo. Son temps de trajet serait sensiblement réduit par un passage au vélo :
Plan transport en commun
Les transports en commun sont également une alternative efficace à la voiture. Ainsi, 12 conducteurs gagneraient du temps ou ne perdraient pas plus de 5 minutes sur leur trajet domicile-travail en utilisant les transports collectifs.
En moyenne, ces salariés gagneraient 12 minutes de transport par jour (aller/retour).
Parmi ces conducteurs, 9 ont un véhicule avec une vignette Crit’Air 2 ou plus et sont donc directement concernés par les restrictions de la ZFE. Grâce à la cartographie ci-dessous, on observe que ces salariés habitent à proximité des lignes TER Lyon-Grenoble et Valence-Lyon-Mâcon.
Sont concernés des employés plus éloignés du site, avec une moyenne de 29 km. Ainsi le gain en émissions carbone est plus significatif avec 26,2 tonnes équivalent CO2 économisées par an.
Voici l’exemple de Lionel qui habite à la Verpillière et pourrait abandonner son véhicule Crit’Air 5 pour ses déplacements domicile-travail au profit d’un mode de transport collectif.
Covoiturage
Enfin, nous analysons les proximités géographiques des 56 automobilistes pour lesquels il n’existe aucune solution évidente de report modal après nos études sur le vélo et les transports en commun. Il apparaît que le covoiturage est pertinent pour 25 d’entre eux. Dans chaque groupe de covoiturage constitué, il existe au moins un véhicule respectant les conditions Crit’Air de la ZFE. Ainsi 18 personnes directement concernées par les restrictions de circulation peuvent trouver une solution dans le covoiturage.
L’entreprise a un rôle important à jouer pour développer le covoiturage chez ses salariés, par exemple en assouplissant les contraintes horaires de début et de fin de journée. Cela permet aux covoitureurs d’accorder leurs agendas tout en respectant leurs contraintes professionnelles et personnelles.
Le covoiturage doit aussi être encouragé par les acteurs publiques avec :
Voici un exemple de groupe de covoiturage qui permettrait à Yvette et Luc de ne plus utiliser leurs véhicules Crit’Air 2. Une journée de télétravail pourrait être proposée par l’entreprise aux covoitureurs afin de compenser l’augmentation éventuelle des temps de déplacement.
Vers des solutions plus engagées
Ce premier niveau d’analyse nous a permis de dégager trois plans d’action pour anticiper les restrictions de circulation de la future ZFE.
Si l’entreprise met en place une politique mobilité en faveur des vélos, des transports en commun et du covoiturage on peut espérer que 53 automobilistes sur les 84 optent pour une mobilité plus responsable au quotidien.
Sur les 61 automobilistes directement concernés par les restrictions de la ZFE, il en resterait encore 25 pour lesquels nous n’avons pas trouvé de solution.
En considérant une mise en place de la ZFE en 2026 et avec une hypothèse de renouvellement du parc automobile compris entre 4 % et 7 % par an, on estime que 5 de ces 25 automobilistes ont déjà prévu de changer de véhicule dans les 4 ans à venir.
Ce qui nous amène à 20 conducteurs, soit 10 % des effectif de l’entreprise, qu’il va falloir accompagner plus spécifiquement.
Le vélo à assistance électrique pour les moyennes distances
Par exemple, avec une aide à l’achat pour un vélo à assistance électrique. Car 9 salariés gagneraient du temps avec un vélo mais ont des distance domicile-travail importantes allant de 6 km à 16 km. Sur ces distances, le VAE peut être une excellente alternative à la voiture.
Voici un exemple avec Arthur qui hésite à passer au vélo à cause des 9 km et des 100 mètres de dénivelé qui le séparent de son travail. Avec un VAE, il gagnerait du temps sur la voiture.
Télétravail, Tiers-lieux et Coworking
On peut ensuite imaginer une politique de télétravail par exemple pour les salariés avec un temps de transport de plus d’une heure. Ou encore la mise en place de tiers-lieux ou de location d’espaces de coworking. Dans notre cas un espace de travail partagé à Vienne, Saint-Etienne ou bien Villefranche-sur-Saône aurait du sens pour limiter les déplacements tout en évitant l’isolement du télétravail.
Voici l’exemple d’un espace de coworking à Saint-Etienne pour 4 salariés.
Dérogation à la ZFE
Enfin, dans les cas les plus particuliers on pourrait imaginer un système de dérogation pour les salariés sans solution immédiate.
Cette dérogation permettrait aux personnes concernées d’avoir plus de temps pour changer de véhicule ou d’attendre la mise en place de solutions alternatives à proximité de chez elles (transport en commun, autopartage…).
Encore faut-il que l’entreprise ait pris conscience de ces enjeux et soit en mesure de prouver, avec un plan de mobilité à jour, les situations de blocage qui persistent dans les déplacements de ces collaborateurs.
Les effets pour l’entreprise
La ZFE est bien évidemment une nouvelle contrainte pour les entreprises qui doivent s’adapter pour conserver leur attractivité. À la vue des enjeux de pollution et de changement climatique elle apparaît cependant comme une solution pertinente. Pour être réussie et acceptée sa mise en œuvre doit être bien pensée : concertation, mesures d’accompagnement, communication, dérogation, prise en compte des personnes les plus fragiles…
Notre exemple, bien qu’il soit représentatif d’une entreprise lyonnaise grâce aux données statistiques à notre disposition, reste théorique. Il ne prend pas en compte des contraintes comme les horaires décalés ou le travail de nuit qui peuvent être bloquantes pour le passage aux transports en commun ou au covoiturage. Des contraintes de production peuvent aussi empêcher le télétravail ou le coworking sur certains postes.
C’est l’objectif d’un plan de mobilité de réfléchir à toutes ces questions dans le contexte de l’entreprise afin d’apporter des solutions concrète et applicables.
Potentiel pour l’entreprise, les salariés et la collectivité
La ZFE est aussi l’occasion pour les entreprises d’initier une réflexion sur leurs mobilités. Les bénéfices sont souvent insoupçonnés :
- économie sur les frais kilométriques ;
- valorisation de l’image employeur et facilité de recrutement ;
- réduction de l’empreinte carbone ;
- Diminution des places de parking ;
- Respect des obligations légales.
Dans le cas de l’entreprise étudiée, les gains potentiels estimés sont importants :
Les salariés ont aussi un intérêt évident à revoir leurs mobilités avec une diminution du stress lié aux trajets, un gain de temps dans les transports, une diminution du budget déplacement et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
Enfin, à plus grande échelle, toute la communauté pourra en profiter avec une diminution de la congestion routière, de la pollution atmosphérique et une meilleure prise en compte de l’environnement 7.
- Territoire du Grand Lyon qui regroupe 59 communes.
- voir notre article : ZFE : quel impact pour les habitants de la région lyonnaise pour plus de détails.
- SDES : le Service des Données et Études Statistiques rattaché au Commissariat général au développement durable, au sein du ministère de la Transition écologique.
- L’économie est calculée selon de barème kilométrique fiscal de 2021 pour une voiture de 4CV parcourant jusqu’à 5000km (base 0.52 €/km).
- Grand Lyon. Voies de covoiturage M6-M7.
- Grand Lyon. En covoit’
- 31 % des émissions de gaz à effet de serre en France sont liées au transport. Source le Haut conseil pour le climat.